Anne-Claire Ruel, conseillere en strategie d’opinion et enseignante a l’universite Paris 13

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Anne-Claire Ruel, conseillere en strategie d’opinion et enseignante a l’universite Paris 13

Anne-Claire Ruel, conseillere en strategie d’opinion et enseignante a l’universite Paris 13

“L’episode d’la gifle nous rappelle que la politique ne saurait impunement se reduire a en ‘”

Lors d’un deplacement jeudi 8 juin dans la Drome, Emmanuel Macron en chemise, s’avance par les individus venues le approcher Afin de le loisir. La suite, nous sa connaissons : tandis qu’il sert la main du president, un jeune homme, decrit me proche de l’extreme droite, le gifle soudainement. Un geste condamne unanimement par la majorite des responsables politiques qui traduit la violence du climat politique actuel. L’occasion de revenir sur la symbolique sacree du corps du president qui depasse sa simple acception mortelle en interrogeant Elodie Mielczareck, semiolinguiste specialisee au langage verbal et non verbal , conferenciere et autrice. Le prochain livre, ” Anti-bullshit” paraitra en octobre 2021 chez Eyrolles.

  • Avec cet evenement, est-ce le corps sacre du president, par definition intouchable, qui tout a coup s’incarne physiquement sous nos yeux pour devenir, l’espace tout d’un instant, celui tout d’un semblable ?

C’est l’historien Enrst Kantorowicz qui nous rappelle la distinction entre les deux corps du Roi.

Nous en avons souvent parle. D’un cote la peau sacre du Roi, divin par essence : immortel, intouchable, infaillible. L’historien Patrick Boucheron le rappelle : “dans votre corps mortel du roi vient se loger la peau immortel du royaume que le roi transmet a son successeur”. (L’Histoire n o 315, dec.2006). D’un nouvelle cote, la peau mun , lambda , en un mot : humain, c’est-a-dire semblable tout le monde des autres. Aussi, que l’on parle du corps du Roi, ou de les representants politiques actuels, il navigue forcement entre ces deux dimensions antinomiques : sacre et profane s’y superposent. Avec cette gifle, la peau mun se rappelle violemment aux yeux des cameras.

  • De Francois Fillon a Jean-Luc Melenchon, la reference au sacre par des politiques reste assez frequente. Pourquoi ?

Souvent, la rhetorique politique consiste a (de)montrer, rendre Sacre et “justifier” la fonction occupee, en un mot : legitimer. Cette legitimite du corps sacre-republicain etait jusqu’ici evidente, admise et partagee. Mais ces dernieres annees, la multiplication des “petites phrases” des plusieurs representants politiques reste symptomatique d’une difficulte a legitimer cette position. On se souvient du leitmotiv de Francois Fillon durant le “Penelope Gate” : ” Au-dela de ma personne, c’est la democratie qui est defiee” ; ou bien une declaration colerique de Jean-Luc Melenchon : “Ma personne reste sacree [. ] la Republique, c’est moi “, puis celle de Benjamin Griveaux : “Ce n’est jamais moi qui ai ete attaque, c’est la Republique”. Par exemple, symboliquement c’est bien la legitimite meme des Institutions et de la Constitution qui seront vises. Etonnamment , apres deux ans de pi?te Gilets Jaunes, 1 Grand Debat, des cahiers de doleances par milliers, peu de representants politiques ou mediatiques interrogent le cadre republicain de votre Veme Republique, empechant ainsi toute solution creative et expression collective. Dit autrement, vous ne pouvez jamais convoquer constamment la sacralite de ce corps pour echapper au reel.

  • En debut de mandat, Emmanuel Macron a convoque lui-meme frequemment cette symbolique sacree.ment analysez-vous le rapport au sacre du president et le evolution ?

Avant meme d’etre elu president, Emmanuel Macron a cultive la representation d’un president-monarque. Cela declarait des juillet 2015: « Dans la politique francaise, cet absent est la figure du roi, dont j’imagine fondamentalement que le peuple francais n’a nullement voulu la fond. » Ou bien bien « Je ne crois gui?re au president “normal” (. ) Mes Francais n’attendent gui?re ceci. Au contraire, un tel concept les destabilise, les insecurise » (Challenges, octobre 2016). A l’oppose une presidence normale de Hollande, Emmanuel Macron decline a l’infini le scheme d’la « verticalite ». Souvenez-vous de sa marche solitaire devant la Pyramide du Louvre. Un pattern qui se trouve bien evidemment au sein des mots presidentiels : les premiers de cordees, versus nos derniers ; ceux qui reussissent versus ceux qui ne sont pas grand chose. me nous le rappelle le sociologue Jacques Maffesoli, la post-modernite dans laquelle nous glissons ces dernieres annees se definit via son horizontalite. Alors que des temps libre Modernes voient s’exprimer “la Loi des Peres”, notre epoque fera environ place a “la Loi des Freres”. Or durant le quinquennat, Emmanuel Macron a montre une certaine reticence a bouger du “perimetre sacre”, au sens propre (terme utilise Afin de decrire le Palais de l’Elysee), et figure (dynamiques relationnelles et chaleureuses). D’ailleurs, l’iconographie presidentielle met davantage en scene votre president thaumaturge : nos mains ont pour fonction de guerir par pouvoir divin, non concernant rechauffer les coeurs ou embrasser.

  • Assiste-t-on a une remise en cause du caractere sacre d’la fonction ? Le president est-il une star me une nouvelle ?

Ces dernieres annees, la fonction presidentielle s’est effritee. De maniere hot or not application de rencontre symptomatique, corps sacre et profane se melangent. Ca s’amplifie avec la presse people ou l’intimite se donne a lire : elle est accessible a tous. Phenomene fortement visible sous la presidence de Nicolas Sarkozy : “Avec Carla, c’est du serieux”. Ces munications-montages sous la forme de roman-photo jouent l’equilibre entre l’accessibilite du president-me-tout-le-monde et le president-monarque. De meme, le bain de foule a i  propos des codes de lastarification. Notre president l’fait foutu en scene me un rock-star, applaudit et photographie par l’affluence (dans le meilleur des cas). Mais l’equilibre reste tenu. Et l’episode d’une gifle nous rappelle que la politique ne saurait impunement se reduire a de ” la ‘ “. J’ai sacralite convoque l’univers de l’Etre (non du paraitre) et du Sens (c’est-a-dire de ce qui s’incarne et se revele). Dit autrement, lorsqu’on accepte que la peau presidentiel soit sacre, il convient de ne point lui faire faire n’importe quoi. De votre point de vue la, l’intervention concernant YouTube avec Carlito et McFly est une erreur. Quoiqu’il en soit, le corps Sacre ne saurait exister seul, c’est-a-dire sans sa dimension incarnee. Il est hasardeux de convoquer un corps-presidentiel-sacre sans sa contre-partie plus “terrestre”, me l’attention et l’interet porte a l’autre, entre autres. Symboliquement, votre gifle peut etre vue me un rappel force a “l’ici et maintenant” (l’univers terrestre des emotions versus un chacun ethere du mental). D’une maniere tout a fait particuliere : la gifle n’est jamais finir de poing ou l’oeuf jete. J’ai gifle, c’est le rappel a l’ordre du parent qui gronde le enfant. Depuis dans la gifle une dimension infantilisante et narcissique : elle blesse l’amour propre et humilie. Ici, c’est une sorte de verticalite inversee.

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